lundi 24 septembre 2007

Délires jouissifs...


« Planete terreur », de Robert Robriguez, avec Rose McGowan, Freddy Rodriguez, Quentin Tarantino… vu au Cinéma Notre-Dame de Mussidan le 23 Septembre 2007.

Jubilatoire, ce deuxième Grindhouse est un régal cinématographique, un délire postmoderne, un OVNI décomplexé utilisant les codes hollywoodiens pour mieux les faire voler en éclats. Rodriguez signe une œuvre finie, construite et déjantée.
Maîtrisant parfaitement les codes du film d’horreur, il s’amuse à guider le spectateur sur cette voie, le suspense s’installe, la peur apparaît et une explosion d’abcès putrides viennent nous péter à la figure. La bande originale est également excellente, servie par un Rodriguez en grande forme, ce rock dynamise le film et rythme une chorégraphie saisissante d’unijambiste en manque d’action.
Les références aux films de genre affluent, tous le cinéma des années 70 est recyclé en un savoureux cocktail de chair et de charme. Les actrices sont magnifiques, Rose McGowan pétille avec son personnage, Go Go danseuse toute en formes corporelles, mais intellectuellement au-dessus du lot… cliché, mais cliché au second degré. Cela résume tous l’esprit de ce délire maîtrisé de bout en bout.
Un scénario ficelé et abouti, mais cette grosse dose de second degré donne une dimension de cinéma d’auteur au film. Certes « l’horreur » est présent, mais ce n’est pas l’objectif du film que de montrer une armée de zombie bouffant les tripes du premier infirmier trop bavard venu. C’est un hommage, autant qu’un tour de force cinématographique, à un cinéma « Grindhouse », de série B voire Z, plus ou moins caché ou disparu. Tarantino et Rodriguez ne s’interdisent rien, ils ont fait des films scénaristiquement construit et abouti, mais où les limites de la réalisation on été bousculés et transcendés afin de faire des films originaux qui font la différence.
La série B est présente pendant deux heures, la bande sale crépite, la bande-annonce du film « Machette » (séquence d’anthologie où Rodriguez continu son obsession pour la Machette) nanar d’un fou de la gachette, le trash, le sexe et finalement le délire nous amènent hors des sentiers pour questionner ces genres et nous inviter à les redécouvrir.
Comment ne pas penser à Duel en voyant le camion rouillé, tout en carcasse avec ses bruits de vaisseau spatial fatigué qui déboule sur la chaussée goudronnée. Un Bruce Willis qui fait le strict minimum, habitué à incarner les valeurs américaines de bon soldat qui défend la patrie, de justicier aussi, ici il est le « méchant », mais pourquoi ? sa troupe s’est fait infester par une arme biologique (en tuant Ben Laden en Afghanistan !), ils doivent donc se débrouiller seuls à contenir leur contamination (Ils se transforme en zombie pullulant), mais le virus s’est échappé… Comment ne pas y voire aussi une critique de la politique militaire américaine depuis le Vietnam… What else ?
Bonne toile !

The Bourne Ultimatum


"La Vengeance dans la peau", de Paul Greengrass avec Matt Damon, Julia Stiles, David Strathairm…, vu au cinéma la Fabrique de St Astier le 20 Septembre 2007.
Sans répit, cette dernière vendetta de l’agent Jason Bourne clôt en beauté une série qui a révolutionné les films d’actions et d’espionnages. On retrouve l’amnésique le plus habile de sa génération fuyant les polices suédoises dans le dernier épisode. Bientôt tous les ingrédients qui nous ont fait adorer ces films vont à nouveau déferler sur l’homme le plus recherché de la planète. Le rythme nous emporte, le suspense nous coupe le souffle, notamment le temps d’une course-poursuite sur les toits de Madrid. On sent presque les coups des combats, filmés au plus prés de l’action leur donnant un violent réalisme. Et bien sur on jubilera toujours devant l’anticipation et l’avance que Bourne acquiert par rapport à ses chasseurs.
Côté scénario, on pourra reprocher au film de réutiliser une méthode qui fonctionne à merveille. Bourne a toujours la CIA collée au basque avec à sa tête un chien encore plus teigneux. Encore une fois il doit se battre contre des tueurs surentraîné qui étaient ses frères d’armes dans son passé. Finalement ne seraient-ce pas eux sa plus grande menace ? Mais ne seraient-ce pas également lui (et ce qu’il était) qu’il combat à travers ces mercenaires ? Une chose est sur, on apprends qui est véritablement Bourne, pourquoi il a été formé et donc pourquoi il lui est arrivé toutes ces aventures. Mais au-delà de ça le film dénonce les dérives d’une démocratie notamment de la plus puissante d’entre elle, les Etats Unis. Car finalement la CIA est l’ennemi. Le film démontre ce que les systèmes démocratiques sont prêt à créer pour garantir « la liberté et la sécurité » de la population. Ces machines à tuer insensible et anonyme n’ont même plus de nom (nommé « Atout ») et obéissent à un ordre donné d’un téléphone portable, annihiler l’humain vous obtiendrez un homme impassible que rien n’arrête.
Mais comme nous restons tout de même dans un film américain, les bons vont triompher et les méchants disparaître. Cet académisme déçoit un peu en comparaison avec la modernité et l’originalité de ces films.
Côté interprétation, toujours un sans-faute du désormais parfait Matt Damon. Bourne jusqu’au bout des ongles, le film repose essentiellement sur la crédibilité, la sensibilité et l’humanité qu’il donne au personnage, sachant encaisser (et donner) les coups, rebondir et captiver le spectateur. Performance d’autant plus remarquable qu’il traverse tous ses films avec la même coupe de cheveux mais (Raisons d’Etat, Ocean Thirteen, La vengeance dans la peau) à chaque fois il est autre. Il porte la franchise Bourne et lui donne sa raison d’être. Mais il est bien secondé par des seconds rôles attachants, comme le personnage de Niki qui finalement se révèle être plus qu’un simple agent donneur d’ordre.
En prenant de la distance avec l’œuvre on comprendra que l’on vient d’assister à l’existence de Jason Bourne, un agent secret du XXIeme siècle qui aura eu l’audace de se poser des questions sur sa raison de vivre.

lundi 17 septembre 2007

Une journée roumaine semblait commencer


4 mois 3 semaines et 2 jours, de Cristian Mungiu. Palme d’Or du Festival de Cannes.
Vu au Cap Cinéma de Périgueux, le 14 Septembre à 18h.

« D’accord » ce mot qui ouvre le film après un long plan fixe, résonne comme le starter d’une course. Pourtant la sobriété de l’entrée en matière semblait nous rappeler que le cinéaste comptait prendre son temps pour développer un sujet tendu, l’avortement, dans un pays et une époque des plus difficile de l’histoire de la Roumanie.
Nous allons suivre une jeune étudiante roumaine amoureuse, Otilia, dont l’amie, Gabita, avec qui elle partage la chambre, a décidé d’avorter. La gravité de Gabita et son empressement dans les préparatifs donnent la dimension imminente de l’acte.
Cet avortement qui n’est pas cité au tout début, seulement compréhensible, va agir comme une sorte de fil rouge de la détresse présente dans la jeunesse roumaine.
Avant même d’assister à l’acte, le cinéaste va s’attarder adroitement à montrer cette société roumaine. La pression habite chaque image grâce à une interprétation intense de l’actrice qui joue Otilia. Ce pays traumatisé par la Guerre Froide cumul toutes les caractéristiques des peuples perdus et délaissés, qui peine à trouver une identité. Pression militaire, surveillance, rationnement, logement insalubre, renforcé par un sentiment d’absence de liberté tout au long du film.
Mungiu réussi à nous transmettre cette détresse via le seul personnage qu’il ne va pas quitter du film et par conséquent de la journée. Le style du cinéaste est très proche du documentaire, il maîtrise parfaitement l’alternance des séquences tournée en pleines rues, caméra à l’épaule suivant Otilia de façon discrète, au rythme de ses pas rapides ce qui brouille l’image, puis il enchaîne par de longs plans fixes qu’il semble affectionner. La caméra est immobile, elle contemple et laisse s’exprimer le personnage, le plus souvent ceux-ci ou celui-ci ne parle pas, mais l’intensité du jeu non-verbal suffit, Otilia peut rester silencieuse plusieurs minutes après l’intervention de l’infâme Monsieur Bebe, il n’y a pas de mots pour ce qu’elle vient de vivre. Mungiu ne semble pas prendre position, il dresse un constat, il montre. Cette technique donne au spectateur la quasi-obligation d’être actif face au film, quand la caméra ne bouge pas, que l’actrice est immobile et ne parle pas, il n’y a que lui qui peut donner du sens, son sens, à l’image, et réagir face à ce drame, sinon il dort. En cela le film demande un effort supplémentaire, qui renforce la tension déjà présente dans le film.
Passage impressionnant celui d’un dîner chez les beaux-parents d’Otilia, la caméra est immobile, vissé sur le bout de table, et la séquence dure plus de dix minutes, les paroles sont abondantes et agitées, les acteurs disparaissent, on assiste à un dîner roumain. Pourtant la séquence est oppressante pour Otilia d’une part qui semble planer au milieu du bruit et des coups psychologiques qu’elle a reçus. D’autre part pour le spectateur qui inhabitué à cette longueur de scène est pris à la gorge par l’intensité des dialogues, il ne demande qu’à s’échapper de la table, mais ce serait trop facile, le cinéaste nous laisse donc subir comme Otilia, la situation. Mungiu excelle également dans un autre domaine, la maîtrise de l’obscurité. Les deux passages dans une ville roumaine avalée par la nuit où l’on suis, au souffle, la course effréné d’Otilia pour son salut sont des sommets de tension, qui rappellent les jeu d’ombres et de lumières présents dans les derniers films de Clint Eastwood.
On sent la vulnérabilité de cette belle jeune fille qui continue fidèlement (serait-ce sa dernière raison d’exister ? ou le seul lien social encore valable dans le pays ?) à aider son amie en donnant tout ce qu’elle a et tout ce qu’elle est. Cette journée qu’elle va vivre va pourtant passer, l’abnégation semble triompher or ce film dresse le portrait de traumatismes ineffaçables d’une génération égarée.
Finalement la titre pourrait être le nom de l’enfant qui ne vivra jamais.
Bonne toile !

vendredi 7 septembre 2007

Tragédie chez les bourgeois !


La fille coupée en deux, de Claude Chabrol, avec Ludivine Sagnier, Benoît Magimel et François Berléand.
Vu au cinéma Notre-Dame de Mussidan (24), le 6 Septembre 2007

Observateur de notre société, Chabrol s’amuse à filmer les bourgeois, les nouveaux riches, et les gloires désabusées pour mieux disséquer les travers de notre société. Ces nouvelles élites qui cultivent le goût de l’élitisme à travers des cercles fermés ou étalent leur richesse aux yeux de la « populace » rappellent la période décadente qui précéda la chute de Rome.
Nous sommes les témoins d’un affrontement sentimental entre un écrivain « tendance » résident dans la campagne lyonnaise et le dandy héritier qui arpente les soirées branchées. L’objet du duel ? l’amour bien évidemment, le seul bien, encore non-solvable, pour lequel l’imprévu, la conquête et les défis viennent perturber et animer les routines rentières. Seulement au milieu c’est une femme qui va souffrir et qui va se chercher tout au long du film. Innocente, elle reçoit les coups sans rien dire et ne sera jamais épargnée. Jeune et joli, un divertissement pour l’un, l’Amour pour l’autre.
Scénario classique pourrait t-on s’empêcher d’écrire, c’est vrai, mais le réalisateur réussit à détourner le simple film romantico-bourgeois en observatoire d’un mode de vie décadent. On assiste à une critique en règle des comportements et habitudes des soi-disant membres de la classe supérieure. Les deux protagonistes dominant sont au début, intouchables et au fait de leur « pouvoir », mais peu à peu ils sombrent. Ils sont distingués et se distinguent notamment de la petite fleur qui va les emmener vers le bas. Fille du « peuple » c’est l’être désirable, celui de l’ailleurs et du dehors. Une petite cerise qui va étouffer la machine à élite.
Il ne faut pas oublier les acteurs, François Berléand n’a pas besoin de parler, sa présence, son attitude suffit à identifier cet écrivain désabusé et profiteur pour qui la vie n’est plus rien sinon un vaste jardin des plaisirs. Benoît Magimel est ce dandy, héritier et enfant gâté jusqu’au bout des ongles. Totalement habité par ce personnage à qui « l’on ne refuse rien », éperdument fou de celle qui lui a dit « non », il est le personnage tragique du film. Elle, « la fille coupée en deux » se retrouve au milieu de l’orage, elle subit et Ludivine Sagnier donne cette dimension fragile et quasi divine à son personnage. Blonde platine, c’est l’ange des deux rois, mais est-ce l’ange de l’amour ou de la mort ? Elle joue toute cette ambiguïté dans son personnage tourmenté, qui regarde sa vie sans vraiment maîtriser les événements qui vont décider du sort de ses deux aspirants. En apparence elle montre sa force et son intelligence mais ses actes sont dépassés par des forces supérieures qui courent inévitablement vers le duel prévisible.
Critique de la société, portrait d’une bourgeoisie décadente, ce film est une petite sonnette d’alarme pour tous les « dominants », qui se pense élite d’un monde. Et c’est le personnage joué par François Berléand qui au début du film annonce dans une interview qu’il décrit dans ses livres les décadences sociales de notre temps, le spectacle peut commencer Chabrol vient de nous annoncer la tragédie qui va suivre.
Bonne toile.